Le «reste à vivre» s’invite à la table des négociations

Auteur: Sebastien Lambotte

Publié le Il y a 6 mois

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Les salaires au Luxembourg sont attractifs, mais le coût de la vie complique l’équation : aujourd'hui, recruteurs et candidats discutent davantage de "reste à vivre" que de rémunération brute.

Les salaires luxembourgeois sont réputés pour leur attractivité, mais la vie sur place reste coûteuse. De plus en plus souvent, les négociations entre candidats et employeurs se concentrent sur le « reste à vivre », c'est-à-dire le revenu disponible après déduction des dépenses fixes. Cela oblige les recruteurs à endosser, en quelque sorte, un rôle de « comptable » ou de « fiscaliste », afin d’optimiser les conditions proposées.


Chaque jour, des dizaines de milliers de travailleurs franchissent les frontières pour venir travailler au Luxembourg. Cette affluence s’explique notamment par des salaires nettement supérieurs à ceux pratiqués dans les régions frontalières.


En 2022, le salaire médian brut au Luxembourg atteignait 58.126 euros par an, soit environ 4.843 euros par mois, selon les données du Statec. Cela signifie que la moitié des salariés gagne moins que ce montant, tandis que l’autre moitié perçoit davantage.


Le salaire moyen, quant à lui, s’élève à 75.919 euros, reflétant la présence de hauts salaires dans certains secteurs. En plus de cela, le Luxembourg bénéficie d’une fiscalité sur les revenus parmi les plus avantageuses d’Europe occidentale, ce qui renforce encore son attractivité pour les travailleurs étrangers.

Tenir compte du coût de la vie

Des salaires plus élevés, une fiscalité avantageuse… Sur le papier, le Luxembourg a tout pour attirer les travailleurs. Cependant, un bémol subsiste : le coût de la vie, un facteur que les candidats à un emploi dans le pays prennent de plus en plus en considération.


Le coût de la vie au Luxembourg est relativement élevé. « Désormais, les candidats que nous rencontrons ne discutent plus forcément du montant du salaire, mais ils négocient sur ce que nous appelons le reste à vivre », confiait récemment un DRH au Luxembourg.


En d’autres termes, les candidats se préoccupent davantage de ce qu’il leur restera une fois toutes les dépenses courantes réglées : logement, charges diverses, frais de transport et courses alimentaires. Ce changement de priorité reflète une prise de conscience grandissante des réalités financières liées à la vie dans l’un des pays les plus prospères d’Europe.

37% des revenus dédiés aux « dépenses obligatoires »

Quel revenu avez-vous en tant que ménage au Luxembourg ? Le dernier rapport « Travail et cohésion sociale » du STATEC, publié fin septembre, offre quelques éclairages. Il révèle que la moitié des ménages dispose, après impôts et cotisations sociales, d’un revenu mensuel de 6 073 euros. Pour une personne seule, le niveau de vie médian s’élève à 3 970 euros par mois, après impôts et prestations sociales.


Qu’en est-il des dépenses ? Une grande part du revenu des ménages est absorbée par des dépenses obligatoires, comme les assurances, les factures énergétiques, les abonnements téléphoniques, mais surtout le loyer ou le logement. En 2023, ces dépenses représentaient 37 % du budget total des ménages, selon le STATEC.


Cependant, des inégalités marquent cette répartition. Les ménages les moins aisés consacrent plus de 56 % de leurs revenus à ces dépenses incompressibles, ce qui limite leur capacité à consommer pour d’autres besoins essentiels : se nourrir, se déplacer, s’habiller ou profiter des loisirs.


Ce constat met en lumière une interrogation commune : quelle est ma capacité réelle à consommer au quotidien ? Avec des inégalités croissantes et un risque de pauvreté en hausse, cette question devient cruciale pour de nombreux ménages.

Prendre en compte une variété de frais

Les recruteurs, lorsqu’il s’agit de convaincre des profils spécifiques de rejoindre leur entreprise, n’hésitent plus à endosser une véritable casquette de fiscaliste ou de comptable. Leur objectif : évaluer au mieux le « reste à vivre » du candidat et lui fournir une vision claire de sa situation financière future.


Pour cela, ils doivent analyser plusieurs facteurs, comme le coût du logement dans la zone de résidence actuelle ou future du candidat, le panier moyen d’un ménage au supermarché, ainsi que la composition du ménage, qui influence directement la fiscalité applicable.


« C’est sur ces aspects que portent aujourd’hui les discussions, confie un DRH. Cela rend notre tâche beaucoup plus complexe, car cela dépend de la situation de chaque candidat. Mais si l’on veut convaincre, on doit aller jusque-là, voire même les conseiller pour optimiser leur reste à vivre. »


Cette démarche s’appuie sur des données précises et vise à aider les candidats à se projeter dans l’avenir. Elle leur permet également de trouver des solutions adaptées à leurs envies et contraintes.


Pour les recruteurs, il ne suffit plus d’afficher un salaire attractif. Il s’agit de garantir à chaque salarié un revenu qui lui permette de vivre décemment et durablement. En intégrant ces aspects, les entreprises augmentent leurs chances d’attirer des talents tout en se protégeant du risque de les voir quitter leur poste à court ou moyen terme.

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