Empathie et transparence : Le secret des recruteurs qui font la différence

Auteur: Sebastien Lambotte

Publié le Il y a 1 mois

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« Chaque candidat est en droit d’être traité avec respect et empathie  »

Zach Traer a récemment rejoint skeeled après avoir occupé pendant plusieurs années la fonction de Senior Recruiter chez Hootsuite (anciennement Talkwalker). Il évoque avec nous les défis liés au recrutement. A ses yeux, il est important de mieux considérer chaque candidat, comme une personne et non comme un CV de plus.

Répondre à chaque candidature, de manière personnalisée, cela n’a l’air de rien, mais ça fait toute la différence.

Qui est Zach Traer ?

C’est au Canada que Zach Traer a grandi. Mais c’est au Luxembourg qu’il a construit sa carrière professionnelle dans le domaine du recrutement. Après avoir fait ses premières armes dans un cabinet indépendant, il a rejoint Talkwalker en tant que recruteur. À la suite du rachat de l’entreprise luxembourgeoise par Hootsuite, le recruteur senior a renoué avec la culture nord américaine de son enfance. Lui qui a travaillé seul pendant plusieurs années a alors fait équipe avec des collègues canadiens. En ce mois de janvier, il a décidé de mettre son expérience au service de skeeled. Au quotidien, il promeut une approche du recrutement qu’il a toujours défendue, dont les piliers sont le respect, la transparence et l’empathie.

Nos questions à Zach

Zach, comment résumerais-tu les enjeux que rencontrent les acteurs du recrutement actuellement ?

Jusqu’il y a peu, j’étais Senior Recruiter au sein de Hootsuite, le seul à être basé en Europe. À ce titre, j’avais la main sur l’ensemble des recrutements réalisés au sein de l’Union européenne, mais ceux effectués pour nos bureaux de Tokyo et Singapour, ou ceux nécessaires pour répondre à nos besoins de couverture au Moyen-Orient.


Parmi les challenges qui m’ont occupaient, il y a celui de maintenir l’expérience candidat que je proposais chez Talkwalker, où j’étais le seul recruteur à bord. Au sein d’une équipe de 10 personnes, mon ambition était de veiller à garantir ce même niveau de service, une expérience candidat optimale, afin de contribuer à la qualité des recrutements. Hootsuite est une marque beaucoup plus connue que Talkwalker, qui attire des candidatures par milliers. Le vrai défi, dès lors, est de veiller à s’assurer de pouvoir donner un retour à toutes les personnes qui postulent chez nous, de leur assurer que leur candidature a bien été réceptionnée et prise en compte.


Tu n'étais donc pas confronté, comme beaucoup d’acteurs luxembourgeois, à une problématique d’attractivité ?

Non. Hootsuite parvient assez aisément à attirer des talents très qualifiés. Je pourrais dire que c’est notamment grâce à sa marque employeur, mais ce serait trop facile. La situation du marché actuelle, à la suite d’importants plans sociaux chez plusieurs grands acteurs de la Tech depuis 2022, fait que beaucoup de profils recherchent à nouveau des opportunités de carrière. Hootsuite n’est plus dans la situation où, en 2021, il fallait partir proactivement à la recherche de talents. Sur le marché local, certaines qualifications manquent. Mais, en tant que groupe international, il faut se donner les moyens d’aller les chercher loin.


Tu évoquais l’importance de garantir une expérience optimale aux candidats. En quoi est-ce important ? Quel regard portes-tu sur les pratiques actuelles de la profession ?

Dans beaucoup de situations, je considère que les pratiques de recrutement manquent de transparence et d’empathie. J’ai régulièrement eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet. Ce constat, toutefois, il n’émane pas directement de moi, mais des candidats que je rencontre. Il suffit de les écouter pour comprendre qu’il y a quelque chose de cassé dans notre industrie. Le cœur de notre métier, ce sont les relations humaines. Dès lors, si nous ne sommes pas en mesure de considérer chacun comme une personne à part entière, et non comme un CV ou une ligne dans une base de données, on se méprend.


Quels sont selon toi les piliers d’une expérience candidat réussie ?

Tout d’abord, il est essentiel de traiter chaque candidat avec respect et empathie. C’est le minimum que nous devons lui offrir. Quand on fait cela, on laisse une impression positive à chaque personne. Qu’il ou elle garde le souvenir d’une expérience positive, cela aide aussi dans le cadre de notre travail. D’autres besoins peuvent émaner au fil du temps. Si un profil ne convient pas pour un poste précis, il peut correspondre pour d’autres fonctions. Il faut garder la porte ouverte, essayer de maintenir le lien. Pour un poste donné, on peut recevoir des centaines de candidatures. Mais ce n’est pas parce que certains n’ont pas été retenus ou shortlistés qu’ils n’ont pas droit au respect. Il faut pouvoir faire preuve d’empathie envers chacun. Ne pas le faire, c’est oublier pour qui et pour quoi on travaille.


Qu’est-ce ce que le candidat est en droit d’attendre ?

Il faut pouvoir lui assurer la plus grande transparence. Cela commence par l’information fournie dans le descriptif de poste. Faire preuve de respect, c’est d’abord éviter d’avoir une première approche vague. Cela ne va pas si, à la fin de la lecture du descriptif, on ne sait pas dire ce qu’on est amené à faire dans le cadre du travail. Il faut que les responsabilités soient clairement énoncées, que les projets soient bien détaillés. Il faut être le plus transparent possible sur ce que le candidat peut attendre de la fonction. Il faut aussi pouvoir énoncer clairement le niveau de rémunération financière proposé.


La question de la transparence sur le niveau de salaire suscite d’importantes discussions au Luxembourg…

Or, c’est quelque chose qui pèse beaucoup dans la décision des candidats. Dès lors, pourquoi ne pourrait-on pas en parler à la première étape et même l’indiquer sur la fiche de poste ? Je pense que ce serait une meilleure chose. Est-ce logique que ce soit l’élément que l’on dévoile à la toute fin, quand le candidat comme l’employeur ont déjà engagé d’importants efforts dans un parcours de recrutement ? Le fait que la législation européenne prône une plus grande transparence sur ce sujet me rassure. Les choses vont considérablement évoluer en la matière dans les mois à venir, pour le bien de tous.


Comment cela ?

Plus de transparence à l’échelle du marché est une bonne chose. Cela doit permettre aux acteurs de mieux se positionner, mais aussi d’éviter de faux espoirs du côté des candidats ou de la surenchère. Cela doit soutenir l’attractivité du Luxembourg à l’international, en permettant à chacun de bénéficier d’une vision plus réaliste des avantages, financiers, mais aussi sociaux, à travailler au Luxembourg. Chacun peut dès lors mieux se projeter dans une carrière au Luxembourg. Empathie et transparence doivent être au cœur du parcours de recrutement, au fondement de nos relations avec les candidats.


Comment cela s’exprime-t-il concrètement ?

Récemment, j'ai eu une conversation avec un excellent candidat, qui avait super bien performé tout au long du processus de recrutement. Au terme de celui-ci, on a constaté que ces compétences, techniques comme sociales, lui permettaient d’envisager des fonctions supérieures à celle proposée. En toute transparence, nous lui avons proposé une tranche salariale supérieure à ce qui était proposé et à ces attentes. Nous avons fait cela parce que nous sommes convaincus que nous devons rémunérer les gens sur base de la valeur qu’ils peuvent apporter au niveau de l’entreprise. Si certains candidats arrivent avec des attentes déraisonnables, d’autres ont tendance à les sous-estimer. Notre métier, c’est aussi de leur dire, de les orienter. Vis-à-vis de chacun, nous devons pouvoir négocier, avec transparence et empathie. Faire preuve d’empathie, c’est aussi se dire qu’un candidat a le droit à l’erreur.


Un recrutement ne devrait donc pas s’apparenter à une évaluation ?

Un entretien, cela peut être stressant. Et on peut passer à côté. Il nous appartient aussi de créer les conditions optimales pour le candidat, pour à la fois permettre une discussion constructive, mais aussi lui laisser la meilleure impression. Il faut aussi accepter des excuses, un oubli, un retard, et donner une deuxième chance quand cela arrive. Il faut se montrer conciliant. Il serait dommage de passer à côté d’un bon candidat pour ces raisons. Un bon recrutement, c’est la rencontre entre un candidat et un employeur. L’un et l’autre doivent parvenir à s’entendre. 


Pour le candidat, l’enjeu c’est de faire bonne impression. Ta mission c’est de trouver les bonnes compétences pour l’entreprise. Le fait de passer à côté du bon profil est-il source d’anxiété de ton côté ?

Non. J’avoue que je n’ai jamais raisonné comme cela. Dans un recrutement récent, nous avons reçu un nombre conséquent de candidatures. À un moment donné, nous avons préféré fermer la position, considérant les ressources nécessaires pour traiter toutes les candidatures. Peut-être qu’une perle rare nous serait parvenue si on avait laissé le poste ouvert une semaine de plus. Mais si on se met à penser comme cela, le risque c’est l’inaction. Notre rôle, en permanence, est de faire du mieux qu’on peut pour analyser les talents qui postulent. Mais, in fine, il faut faire des choix.


L’empathie, c’est aussi de pouvoir donner un feed-back à chacun, que leur profil soit écarté au début du processus ou que la sélection s’opère plus loin. À chaque étape, il faut pouvoir informer le candidat, en cherchant à personnaliser la relation, pour lui permettre de se positionner. Il faut que le processus soit le plus plaisant possible pour les candidats. Et si, le cas échéant, le processus s’arrête pour un candidat, j’essaie de maintenir le lien, de rester en contact avec chacun.


Quel retour avez-vous de l’application de ces pratiques ?

Ma boîte mail est remplie de messages de candidats qui me remercient pour la qualité de l’expérience vécue. Je les garde précieusement. Cela me rappelle que tous ces petits efforts - le fait de répondre à chacun, de personnaliser les échanges - ont un impact considérable sur les gens. Je veille personnellement à répondre à tout le monde, sans exception. Ce que je te décris, faire preuve de respect, d’empathie, de transparence, au final, c’est super simple. La plupart des candidats sont habitués à ne pas avoir de retour pour les candidatures qu’ils envoient. Souvent, c’est le néant. Or, une réponse, cela fait toute la différence.


Si cela paraît simple, quand on doit gérer des centaines de candidatures, cela implique tout de même un effort conséquent…

Oui, c'est un effort. Et, dans notre position, il faut faire attention de ne pas pécher par excès d’empathie. Au début de ma carrière, c’était difficile. Je voulais donner sa chance à chacun. Il faut aussi avoir conscience qu’on a un rôle à remplir. Cette empathie, je ne dois pas être le seul à la porter. Il faut éveiller les managers, mes collègues à l’importance de ces dimensions, de faire des feed-back honnêtes à chacun, pour que chacun reste engagé et intéressé. Au final, ce sont les entreprises qui auront compris et valorisé l’importance de l’humain au sein de leurs processus qui auront le moins de difficultés à recruter.

Quels conseils donneriez-vous aux candidats à la recherche d’un emploi ?

Lors d’un recrutement, nous n’évaluons pas que les compétences techniques, mais aussi les traits de caractère. Ceux-ci font souvent la différence, et notamment le fait de se montrer curieux. Si je devais donner un conseil à des candidats, c’est de ne pas hésiter à poser des questions, sur la mission, sur le projet, sur l’entreprise. De cette manière, il peut engager la conversation sur des éléments clés et montrer son intérêt, partager des réflexions, des connaissances. Il indique de cette manière ce qu’il peut apporter à l’organisation. C’est essentiel et précieux pour le recruteur.

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